«
Licence pro », l'arnaque du Troisième
Millénaire
Une fois de plus, nos gouvernants, avec l'aide du
MEDEF (ex-CNPF), ont trouvé la panacée
contre le chômage et les problèmes d'insertion
dans le monde du travail. Après le CIP, après
les stages diplômant, voici les licences professionnelles.
Et, à y regarder de plus près, ce diplôme
miracle apparaît une fois de plus douteux.
Diplôme National ?
Cette « licence » nous est présentée
comme un diplôme national à Bac+3. Mais
le ministère a maintenu jusqu'au vote au Conseil
National de l'Enseignement Supérieur et de
la Recherche (CNESER) une opposition catégorique
à tout cadrage horaire. Comment celui-ci peut-il
prétendre créer un diplôme réellement
national alors que le volume horaire sera décidé
localement ? Mais, plus fort encore, ces licences
à mentions « nationales » sont
créées localement. On peut donc se retrouver
avec « sa » licence nationale qui n'existe
que dans une université.
Une grande partie de la formation est contrôlée
par les entreprises. Le stage dure entre 12 et 16
semaines, c'est-à-dire un semestre. De plus,
le projet tutoré représente au moins
un quart du volume de la formation, hors stage. Cela
revient donc à dire que la partie enseignement
est réduite à la portion congrue, surtout
qu'il est prévu des remises à niveau
pour des publics venus d'horizons différents.
Enfin, quelle peut être la reconnaissance d'un
tel diplôme dont le jury est composé
pour au moins un quart et jusqu'à la moitié
de « professionnels » ? La finalité
locale et le contrôle par le patronat sont ici
encore plus marqués.
Dire que la licence professionnelle est un réel
diplôme est plus que douteux. Par conséquent,
ce diplôme risque fort de remettre en cause
l'organisation des formations et leur reconnaissance.
Casse de la reconnaissance des diplôme
Pour comprendre l'orientation du ministère,
pas besoin de chercher très loin. Celui-ci
précise lui-même ses orientations dans
le rapport de présentation de la licence professionnelle
qui reprend les déclarations de la Sorbonne
(25 mai 1998) et de Bologne (19 juin 1999) : «
Adoption d'un système qui se fonde essentiellement
sur deux cursus, avant et après la licence...
Premier cursus d'une durée minimale de trois
ans ». Les intentions affichées sont
on ne peut plus claires : volonté de supprimer
à terme le DEUG afin que le premier diplôme
universitaire soit la licence. C’est le schéma
3/5 ou 8, qui doit s’appliquer dans 3/4 ans. La création
de ces licences professionnelles revient ainsi à
dire que les diplômes à bac+2 n'ont plus
de valeur. Ce sont les formations courtes comme les
DUT et les BTS qui sont menacées. On va demander
aux titulaires de ces formations de faire un an d'études
supplémentaires pour la même reconnaissance
de fait.
Casse des conventions collectives
Un autre problème posé par ces nouveaux
diplômes est celui de leur intégration
dans les niveaux de qualification reconnus et notamment
dans les grilles de salaires. La volonté gouvernementale
d'articuler les études supérieures autour
du bac+3 va permettre au patronat de redéfinir
les conventions collectives. Ces accords entre patronats
et syndicats régissent par branche d'activité
les droits des salariés et notamment leur niveau
de rémunération. Le MEDEF a clairement
affiché son intention de les renégocier
pour placer ces licences au niveau bac+2 actuel. Le
danger est réel aujourd’hui et il faut rester
vigilant.
Autres problèmes posés par la licence
pro
La poursuite d’études après la licence
professionnelle est aujourd’hui synonyme d’inquiétudes
pour les étudiants qui choisiront cette voie,
car la formation généraliste qui leur
sera offerte sera insuffisante pour les étudiants
qui souhaiteront faire une maîtrise. De même
les étudiants qui viennent de filières
généralistes risquent de recevoir une
formation professionalisante bâclée.
On touche là au paradoxe de la licence pro
: créée pour assurer un débouché
à la fois à des étudiants de
DEUG (dont l’enseignement est très théorique
mais peu technique) et à des étudiants
de BTS (dont la formation est trop technique mais
pas du tout théorique), ce diplôme ne
répond finalement ni aux attentes des uns,
ni aux attentes des autres. De plus, le fait que l’étudiant
doive trouver son stage, dans une période où
les stages bidons sont pléthore (des stages
sous-encadrés, sous-payés, sans cohérence
pédagogique ou même professionnelle),
est très dangereux.